<116>avaient rendu son ancienne fierté; ses négociations secrètes à la cour de Versailles lui faisaient même porter ses vues plus loin. On a vu de tout temps l'esprit de la cour d'Autriche suivre les impressions brutes de la nature : enflée dans la bonne fortune et rampante dans l'adversité, elle n'a jamais pu parvenir à cette sage modération qui rend les hommes impassibles aux biens et aux maux que le hasard dispense. Alors son orgueil et son astuce reprenaient le dessus. Le mauvais succès de cette tentative du lord Hyndford fortifia le Roi plus que jamais dans l'opinion où il était, que pour qu'une négociation de paix réussît avec les Autrichiens, il fallait auparavant les avoir bien battus. Une armée belle et reposée l'invitait à tenter le sort des armes; elle était composée de trente-quatre bataillons et de soixante escadrons, ce qui faisait à peu près le nombre de trente-trois mille hommes.
Avant que l'on en vînt à cette décision, il arriva un changement dans le ministère anglais. Cette nation inquiète et libre était mécontente du gouvernement, parce que la guerre des Indes se faisait à son désavantage, et que la Grande-Bretagne ne jouait pas un rôle convenable dans le continent. On fouetta le Roi sur le dos de son ministre : il fut obligé de chasser le sieur Walpole,a que mylord Carteret remplaça. Un mécontentement à peu près semblable, dans le siècle passé, coûta la vie au roi Charles Ier : c'était l'ouvrage du fanatisme, et la chute de Walpole ne peut s'attribuer qu'à une cabale de parti. Tous les seigneurs voulaient parvenir au ministère : Walpole avait occupé cette place trop longtemps. Après l'avoir culbuté, la possibilité de réussir donna une nouvelle effervescence à l'ambition des grands; ce qui fit que dans la suite cet emploi passa de main en main, et devint de toutes les places du royaume la plus movible.
Le cardinal de Fleury fut très-mécontent de ce changement : il s'accommodait assez de la conduite modérée de Walpole, et il craignait tout de l'impétuosité de Carteret, qui, à l'exemple d'Annibal, avait juré une haine implacable à tout ce qui portait le nom français. Cet Anglais ne démentit pas l'opinion qu'on avait de lui : il fit payer des subsides à la reine de Hongrie; il la prit sous sa protection; il fit passer des troupes anglaises en Flandre;
a Voyez ci-dessus, p. 14.