<139>qui imprima une tache à la gloire de leur nation : vingt mille Suédois passèrent sous le joug de vingt-sept mille Russes. Lacy désarma et renvoya les Suédois nationaux, et les Finnois prêtèrent serment de fidélité. Quel exemple humiliant pour l'orgueil et la vanité des peuples! La Suède, qui sous les Gustave et les Charles était regardée comme la patrie de la valeur, devint en ces temps un modèle de lâcheté et d'infamie; ce même pays produisit des héros dans ses beaux jours, et sous le gouvernement républicain, des généraux privés d'honneur et de fermeté : au lieu d'Achilles, ils n'enfantent que des Thersites. Ainsi les royaumes et les empires, après s'être élevés, s'affaiblissent, et se précipitent vers leur chute. C'est bien à ce sujet qu'il faut dire : Vanité des vanités, tout est vanité!
La cause politique de ces changements se trouve vraisemblablement dans les différentes formes de gouvernement par lesquelles les Suédois ont passé. Tant qu'ils formaient une monarchie, le militaire était en honneur : il était utile pour la défense de l'État, et il ne pouvait jamais lui être redoutable. Dans une république, c'est le contraire; le gouvernement doit en être pacifique par sa nature, le militaire y doit être avili : on a tout à craindre de généraux qui peuvent s'attacher les troupes; c'est d'eux dont peut venir une révolution. Dans les républiques, l'ambition se jette du côté de l'intrigue pour parvenir; les corruptions les avilissent insensiblement, et le vrai point d'honneur se perd, parce qu'on peut faire fortune par des voies qui n'exigent aucun mérite dans le postulant. Outre cela, jamais le secret n'est gardé dans les républiques; l'ennemi est averti d'avance de leurs desseins, et il peut les prévenir. Mais les Français réveillèrent à contre-temps l'esprit de conquête qui n'était pas encore entièrement effacé de l'esprit des Suédois, pour les commettre avec les Russes, lorsque les Suédois manquaient d'argent, de soldats disciplinés, et surtout de bons généraux.
La supériorité que les Russes avaient alors, obligea les Suédois à envoyer deux sénateurs à Pétersbourg offrir la succession de leur couronne au jeune grand-duc, prince de Holstein et neveu de l'Impératrice. Rien de plus humiliant pour cette nation que le refus du Grand-Duc, qui trouva cette couronne au-dessous de