<19>donner à son père, qui se trouvait dans son armée, le spectacle d'un combat.
Le comte Oxenstjerna avait été chancelier du royaume; il fut déplacé par le comte de Gyllenborg. Ce comte s'était attaché les officiers, ce qui lui donnait un parti considérable en Suède; il désirait la guerre, se flattant de relever sa nation par quelque conquête. La France désirait encore plus de se servir des Suédois, espérant d'abaisser par eux la fierté russienne, et de venger ainsi les affronts que son ambassadeur Monti, fait prisonnier à Danzig, avait essuyés à Pétersbourg : dans cette vue, la France payait à la Suède un subside annuel de trois cent mille écus, qui ne l'engageait cependant à aucune hostilité.
La Suède n'était plus ce qu'elle avait été autrefois. Les neuf dernières années du règne de Charles XII avaient été signalées par des malheurs. Ce royaume avait perdu la Livonie, un grand morceau de la Poméranie, et les duchés de Brême et de Verden. Ce démembrement la privait de revenus, de soldats et de grains que précédemment elle retirait de ces provinces : la Livonie était son magasin d'abondance. Quoique la Suède ne contienne qu'environ deux millions d'âmes, son sol stérile, et quantité de montagnes arides dont elle est couverte, ne lui fournissaient pas même de quoi nourrir cette faible population; la cession de la Livonie la réduisit aux abois. Les Suédois révéraient cependant, quelques malheurs qu'ils eussent essuyés, la mémoire de Charles XII; et, par une suite assez ordinaire des contradictions de l'esprit humain, ils l'outragèrent après sa mort, en punissant Görtz du dernier supplice, comme si le ministre était coupable des fautes de son maître.
Les revenus de ce royaume montaient approchant à quatre millions d'écus; il n'entretenait que sept mille hommes de troupes réglées, et trente-trois mille de milice étaient payés d'un fonds différent. On avait donné, du temps de Charles XI, des terres à cultiver à ce nombre de paysans qui étaient en même temps militaires, obligés de s'assembler les dimanches pour faire l'exercice, de combattre pour la défense du pays; mais lorsque la Suède