<24>tieux; les gardes, redoutables aux souverains; le peuple est stupide, ivrogne, superstitieux et malheureux. L'état des choses, tel que nous venons de le rapporter, a sans doute empêché que jusqu'ici l'Académie des Sciences n'ait fait des élèves moscovites.
Depuis les désastres de Charles XII et l'établissement d'Auguste de Saxe en Pologne, depuis les victoires du maréchal Münnich sur les Turcs, les Russes étaient réellement les arbitres du Nord; ils étaient si redoutables, que personne ne pouvait gagner en les attaquant, y ayant des espèces de déserts à traverser pour les atteindre, et qu'il y avait tout à perdre, en se réduisant même à la guerre défensive, s'ils venaient vous attaquer. Ce qui leur donne cet avantage, c'est le nombre de Tartares, Cosaques et Calmouks qu'ils ont dans leurs armées. Ces hordes vagabondes de pillards et d'incendiaires, sont capables de détruire par leurs incursions les provinces les plus florissantes, sans que leur armée même y mette le pied. Tous leurs voisins, pour éviter ces dévastations, les ménageaient; et les Russes envisageaient l'alliance qu'ils contractaient avec d'autres peuples, comme une protection qu'ils accordaient à leurs clients.
L'influence de la Russie s'étendait plus directement sur la Pologne que sur ses autres voisins : cette république fut forcée, après la mort d'Auguste Ier, d'élire Auguste II, pour le placer sur le trône que son père avait occupé. La nation était pour Stanislas; mais les troupes russes firent changer les vœux de la nation à leur gré. Ce royaume est dans une anarchie perpétuelle : les grandes familles sont toutes divisées d'intérêt; ils préfèrent leurs avantages au bien public, et ne se réunissent qu'en usant de la même dureté, pour opprimer leurs sujets, qu'ils traitent moins en hommes qu'en bêtes de somme. Les Polonais sont vains; hauts dans la fortune, rampants dans l'adversité; capables des plus grandes infamies pour amasser de l'argent, qu'ils jettent aussitôt par les fenêtres lorsqu'ils l'ont; frivoles, sans jugement, capables de prendre et de quitter un parti sans raison, et de se précipiter, par l'inconséquence de leur conduite, dans les plus mauvaises affaires : ils ont des lois; mais personne ne les observe, faute de justice coërcitive. La cour voit grossir son parti lorsque beaucoup de charges viennent à vaquer : le Roi a le privilége d'en disposer,