<26>Auguste II [recte: Auguste III, UB Trier] était doux par paresse, prodigue par vanité; incapable de toute idée qui demande des combinaisons; soumis sans religion à son confesseur, et sans amour à la volonté de son épouse; ajoutons son penchant aux directions de son favori, le comte de Brühl. Le plus grand obstacle que l'on eût à vaincre pour le placer sur le trône de la Pologne, ce fut son indolence. La reine son épouse était fille de l'empereur Joseph, et sœur de l'électrice de Bavière. Tisiphone et Alecto pouvaient passer pour des beautés, en comparaison d'elle. Le fond de son esprit était acariâtre; la hauteur et la superstition faisaient son caractère. Elle aurait voulu rendre la Saxe catholique; mais ce n'était pas l'ouvrage d'un jour.

Le comte Brühl et Hennicke étaient les ministres de la Saxe. Le premier avait été page, le second, laquais. Brühl avait été attaché au premier roi; il fut le principal instrument qui ouvrit le chemin du trône à Auguste II : en reconnaissance, ce prince l'associa à la faveur de Sulkowski, son favori d'alors. La concurrence excite la jalousie; aussi s'alluma-t-elle bientôt entre ces deux rivaux. Sulkowski avait dressé un projet suivant lequel Auguste devait s'emparer de la Bohême, après la mort de l'empereur Charles VI, comme d'une succession qui lui revenait par les droits de son épouse, en qualité de fille de l'empereur Joseph, l'aîné des deux frères, dont par conséquent la fille devait succéder préférablement à celle de son frère cadet. Le Roi commençait à goûter ce plan. Brühl, pour perdre son rival, eut la perfidie de communiquer son projet à la cour de Vienne, qui travailla conjointement avec lui pour faire exiler l'auteur d'une entreprise qui lui était si contraire : mais, par cette démarche, Brühl fut comme enchaîné aux intérêts de la nouvelle maison d'Autriche. Ce ministre ne connaissait que les finesses et les ruses qui font la politique des petits princes; double, faux, et capable des actions les plus infâmes pour se soutenir. C'était l'homme de ce siècle qui avait le plus d'habits, de montres, de dentelles, de bottes, de souliers et de pantoufles : César l'aurait rangé dans le nombre des têtes si bien frisées et si bien parfumées qu'il ne craignait guère. Il fallait un prince tel qu'Auguste II, pour qu'un homme du genre de Brühl pût jouer le rôle de premier ministre.