<29>faire la guerre, la cour impériale sait confondre habilement sa querelle particulière avec les intérêts de l'Empire, pour faire servir les forces germaniques d'instrument à ses vues ambitieuses. Les religions différentes tolérées en Allemagne, n'y causent plus des convulsions violentes comme autrefois; les partis subsistent, mais le zèle s'est attiédi. Beaucoup de politiques s'étonnent qu'un gouvernement aussi singulier que celui de l'Allemagne ait pu subsister si longtemps; et, par un jugement peu éclairé, ils attribuent sa durée au flegme national. Ce n'est point cela. Les Empereurs étaient électifs, et depuis l'extinction de la race de Charlemagne, on voit toujours des princes d'une famille différente élevés à cette dignité; ils avaient des querelles avec leurs voisins; ils eurent ce fameux démêlé avec les papes, touchant l'investiture des évêques avec la crosse et l'anneau; ils étaient obligés de se faire couronner à Rome : c'étaient autant d'entraves qui les empêchaient d'établir le despotisme dans l'Empire. D'autre part, les électeurs, quelques princes, et quelques évêques, étaient assez forts, en se réunissant, pour s'opposer à l'ambition des Empereurs; mais ils ne l'étaient pas assez pour changer la forme du gouvernement. Depuis que la couronne impériale se perpétua dans la maison d'Autriche, le danger d'un despotisme devint plus apparent. Charles-Quint, après la bataille de Mühlberg, put se rendre souverain; il négligea le moment, et lorsque les Ferdinands, ses successeurs, voulurent tenter cette entreprise, la jalousie des Français et des Suédois, qui s'y opposèrent, leur fit manquer leur projet; et pour le gros des princes de l'Empire, l'équilibre réciproque et une envie mutuelle les empêchent de s'agrandir.
En allant au midi de l'Allemagne, vers l'occident, on trouve cette république singulière en quelque manière annexée au corps germanique, en quelque manière libre. La Suisse, depuis le temps de César, avait conservé sa liberté, à l'exception d'un court espace où la maison d'Habsbourg l'avait subjuguée. Elle ne porta pas longtemps ce joug; les empereurs autrichiens tentèrent vainement, à différentes reprises, de subjuguer ces montagnards belliqueux : l'amour de la liberté et leurs rochers escarpés les défendent contre l'ambition de leurs voisins. Durant la guerre de la succession d'Espagne, le comte du Luc, ambassadeur de France, y