<30>suscita, sous le prétexte de la religion, une guerre intestine pour empêcher cette république de se mêler des troubles de l'Europe. Tous les deux ans, les treize cantons tiennent une diète générale, où préside alternativement un schultheiss de Berne ou de Zürich. Le canton de Berne joue dans cette république le rôle de la ville d'Amsterdam dans la république de Hollande : il y jouit d'une prépondérance décidée. Les deux tiers de la Suisse sont de la religion réformée; le reste est catholique. Ces réformés, par leur rigidité, ressemblent aux presbytériens de l'Angleterre; et les catholiques, à ce que l'Espagne produit de plus fanatique. La sagesse de ce gouvernement consiste en ce que les peuples n'y étant pas foulés, sont aussi heureux que le comporte leur état, et que ne s'écartant jamais des principes de la modération, ils se sont toujours conservés indépendants par leur sagesse. Cette république peut rassembler sans effort cent mille hommes pour sa défense, et elle a accumulé assez de richesses pour soudoyer pendant trois années ce nombre de ses défenseurs. Tant d'arrangements sages et estimables semblent avilis par l'usage barbare de vendre leurs sujets à qui veut les payer : d'où il résulte que les Suisses d'un même canton au service de France font la guerre à leurs proches au service de Hollande; mais qu'y a-t-il de parfait au monde?
Si de là nous descendons en Italie, nous trouvons cet ancien empire romain divisé en autant de parties que l'ambition des princes a pu la démembrer. La Lombardie est partagée entre les Vénitiens, les Autrichiens, les Savoyards et les Génois. De ces possessions, celles du roi de Sardaigne paraissent les plus considérables. Victor-Amédéea sortait alors de la guerre qu'il avait soutenue contre la maison d'Autriche, par laquelle il avait écorné une partie du Milanais. Ses États lui rapportaient environ cinq millions de revenus, avec lesquels il entretenait en temps de paix trente mille hommes, qu'il pouvait augmenter à quarante mille en temps de guerre. Victor-Amédéea passait en Italie, parmi les connaisseurs, pour un prince versé dans la politique, et bien éclairé sur ses intérêts. Son ministre, le marquis d'Ormea, avait la réputation de n'avoir pas mal profité dans l'école de Machiavel.
a Charles-Emmanuel.