<33>doucement, lorsque, durant la guerre de succession, il s'empara de Comacchio. Le pape n'était, l'année 1740, que le premier évêque de la chrétienté : il avait le département de la foi, qu'on lui abandonnait; mais il n'influait plus comme autrefois dans les affaires politiques. La renaissance des lettres et la réforme avaient porté un coup mortel à la superstition. On canonisait quelquefois des saints, pour n'en pas perdre l'usage; mais un pape qui aurait voulu prêcher des croisades dans le XVIIIe siècle, n'eût pas attroupé vingt polissons. Il était réduit à l'humiliant emploi d'exercer les fonctions de son sacerdoce, et de faire en hâte la fortune de ses neveux. Tout ce que le pape put faire pour l'Empereur engagé dans la guerre des Turcs, l'année 1737, fut de l'autoriser par ses brefs à lever les dîmes sur les biens ecclésiastiques, et à faire planter des croix de mission dans toutes les villes de sa dépendance, où le peuple courait en foule vomir de saintes imprécations contre les Turcs. L'empire ottoman ne s'en ressentit pas; s'il avait été battu par les Russes, il fut partout victorieux des Autrichiens.

Bonneval, ce fameux aventurier, se trouvait alors à Constantinople : du service de France il avait passé à celui de l'Empereur, qu'il quitta par légèreté pour se faire Turc. Il n'était pas dépourvu de talents; il proposa au grand vizir de former l'artillerie sur le pied européen, de discipliner les janissaires, et d'introduire de l'ordre dans cette multitude innombrable de troupes qui ne combat qu'en confusion. Ce projet pouvait devenir dangereux pour les voisins; mais il fut rejeté comme contraire à l'Alcoran, dans lequel Mahomet recommande surtout de ne jamais toucher aux anciennes coutumes. La nation turque a naturellement de l'esprit : c'est l'ignorance qui l'abrutit; elle est brave sans art; elle ne connaît rien à la police, sa politique est encore plus pitoyable. Le dogme de la fatalité, qui chez elle a beaucoup de créance, fait qu'ils rejettent la cause de tous leurs malheurs sur Dieu, et qu'ils ne se corrigent jamais de leurs fautes. La ville de Constantinople contient deux millions d'habitants.a La puissance de cet empire vient de sa grande étendue; cependant il ne subsisterait plus, si


a Aucun écrivain n'a porté la population de Constantinople à plus d'un million d'habitants à l'époque dont parle le Roi.