<39>longuement ce que l'autre avait écrit avec feu. La plupart des savants allemands étaient des manœuvres : les français, des artistes; ce fut la cause que les ouvrages français se répandirent si universellement, que leur langue remplaça celle des Latins, et qu'à présent quiconque sait le français, peut voyager par toute l'Europe sans avoir besoin d'un interprète. L'usage de cette langue étrangère fit encore du tort à la langue nationale, qui ne restant que dans la bouche du peuple, ne pouvait point acquérir ce ton de politesse qu'elle ne gagne que dans la bonne compagnie. Le principal défaut de la langue est qu'elle est trop verbeuse; il faut la resserrer, et en adoucissant quelques mots dont la prononciation est dure, on parviendrait à la rendre sonore. La noblesse n'étudiait que le droit public; mais, sans goût pour la belle littérature, elle remportait des universités du dégoût des pédants qui l'avaient instruite. Des candidats ou théologiens, fils de cordonniers et de tailleurs, étaient les Mentors de ces Télémaques : qu'on juge de l'éducation qu'ils étaient capables de donner! Les Allemands avaient des spectacles, mais grossiers et même indécents : des bouffons orduriers y représentaient des pièces sans génie qui faisaient rougir la pudeur. Notre stérilité nous obligea d'avoir recours à l'abondance des Français; et dans la plupart des cours, on voyait des troupes de cette nation y représenter les chefs-d'œuvre des Molière et des Racine.

Mais qu'est-ce qui mérite plus l'attention d'un philosophe que l'avilissement où est tombé ce peuple-roi, cette nation maîtresse de l'univers, en un mot les Romains? Au lieu que des consuls menaient en triomphe des rois captifs du temps de la république, de nos temps les successeurs des Caton et des Émile se dégradent de la virilité, pour aspirer à l'honneur de chanter sur les théâtres des souverains, qui du temps des Scipion étaient regardés avec autant de mépris que nous en inspirent les Iroquois. O tempora! o mores!

Les opéras, les tragédies et les comédies étaient inconnues en Allemagne il y a soixante ans. L'an 1740, l'industrie et le commerce, plus raffinés, avaient rendu l'Allemagne partie copartageante des trésors que les Indes versent annuellement en Europe. Ces sources de l'opulence avaient amené avec elles les plaisirs,