<44>France la paix de Westphalie; sous Charles XII, elle vainquit les Danois, les Russes, et disposa pour un temps du trône de Pologne : il semble que cette puissance ait alors rassemblé toutes ses forces pour paraître comme une comète qui jette un grand éclat, et se perd ensuite dans l'immensité de l'espace; ses ennemis la démembrèrent en lui arrachant l'Esthonie, la Livonie, les principautés de Brême et de Verden, et une grande partie de la Poméranie.
La chute de la Suède fut l'époque de l'élévation de la Russie : cette puissance semble sortir du néant, pour paraître tout à coup avec grandeur, pour se mettre peu de temps après au niveau des puissances les plus redoutées. On pourrait appliquer à Pierre Ier ce qu'Homère dit de Jupiter :a « il fit trois pas, et il fut au bout du monde. » En effet, abattre la Suède, donner successivement des rois à la Pologne, abaisser la Porte Ottomane, et envoyer des troupes pour combattre les Français sur leurs frontières, c'est bien aller au bout du monde.
On vit de même la maison de Brandebourg quitter le banc des électeurs pour s'asseoir parmi les rois; elle ne figurait aucunement dans la guerre de trente ans. La paix de Westphalie lui valut des provinces qu'une bonne administration rendit opulentes. La paix, et la sagesse du gouvernement, formèrent une puissance naissante, presque ignorée de l'Europe, parce qu'elle travaillait en silence, et que ses progrès n'étaient pas rapides, mais une suite du temps bien employé. On parut étonné lorsqu'elle commença à se développer.
Les agrandissements de la France, dus tant à ses armes qu'à sa politique, furent plus prompts et plus considérables. Louis XV se trouva, par ses possessions, supérieur d'un tiers à celles de Louis XIII : la Franche-Comté, l'Alsace, la Lorraine et une partie de la Flandre annexées à cet empire, lui donnaient une force bien supérieure à celle des temps passés; ajoutez-y surtout l'Espagne, soumise à une branche de la maison de Bourbon, qui, la délivrant, au moins pour longtemps, des diversions qu'elle avait toujours à craindre des rois d'Espagne de la branche autrichienne, lui donne à présent la faculté de se servir de ses forces
a C'est de Neptune que cela est dit dans l'Iliade, chant XIII, v. 20.