<55>qu'on manquât de moyens pour former des magasins et fournir des vivres aux troupes. Les risques étaient grands; il fallait craindre la vicissitude des armes : une bataille perdue pouvait être décisive. Le Roi n'avait point d'alliés, et il ne pouvait opposer que des troupes sans expérience à de vieux soldats autrichiens blanchis sous le harnois, et aguerris par tant de campagnes.

D'autre part, une foule de réflexions ranimaient les espérances du Roi. La situation de la cour de Vienne après la mort de l'Empereur, était des plus fâcheuses : les finances étaient dérangées; l'armée était délabrée, et découragée par les mauvais succès qu'elle avait eus contre les Turcs; le ministère, désuni; avec cela placez à la tête de ce gouvernement une jeune princesse sans expérience, qui doit défendre une succession litigieuse, et il en résulte que ce gouvernement ne devait pas paraître redoutable. D'ailleurs il était impossible que le Roi manquât d'alliés. La rivalité qui subsistait entre la France et l'Angleterre, assurait nécessairement au Roi une de ces deux puissances; et de plus tous les prétendants à la succession de la maison d'Autriche devaient unir leurs intérêts à ceux de la Prusse. Le Roi pouvait disposer de sa voix pour l'élection impériale; il pouvait s'accommoder de ses prétentions sur le duché de Berg, soit avec la France, soit avec l'Autriche; et enfin la guerre qu'il pouvait entreprendre en Silésie, était l'unique espèce d'offensive que favorisait la situation de ses États, vu qu'il était à portée de ses frontières, et que l'Oder lui fournissait une communication toujours sûre.

Ce qui acheva de déterminer le Roi à cette entreprise, ce fut la mort d'Anne, impératrice de Russie, qui suivit de près celle de l'Empereur. Par son décès, la couronne retombait au jeune Iwan, grand-duc de Russie, fils du prince Antoine-Ulric de Brunswic, beau-frère du Roi, et d'une princesse de Mecklenbourg. Les apparences étaient que, durant la minorité du jeune empereur, la Russie serait plus occupée à maintenir la tranquillité dans son empire, qu'à soutenir la pragmatique sanction, pour laquelle l'Allemagne ne pouvait manquer d'éprouver des troubles; ajoutez à ces raisons une armée toute prête d'agir, des fonds tout