<63>Pendant que les Prussiens se cantonnaient autour de Neisse, le maréchal de Schwerin, à la tête de sept bataillons et de dix escadrons, descendit en Haute-Silésie; il délogea le général Browne de Jägerndorf, de Troppau et du château de Grätz. Les Autrichiens se retirèrent en Moravie; les Prussiens prirent leurs quartiers derrière l'Oppa, et s'étendirent jusqu'à Jablunka sur les frontières de la Hongrie.
Durant ces opérations militaires, le comte de Gotter se trouvait à Vienne; il y négociait plutôt pour se conformer à l'usage, que dans l'espérance de pouvoir réussir. Il avait tenu un langage assez imposant, capable d'intimider toute autre cour que celle de Charles VI. Les courtisans de la reine de Hongrie disaient, d'un ton de hauteur, que ce n'était point à un prince dont la fonction était, en qualité d'archichambellan de l'Empire, de présenter le lavoir à l'Empereur, de prescrire des lois à sa fille. Le comte de Gotter, pour enchérir sur ces propos autrichiens, eut l'effronterie de montrer au Grand-Duc une lettre que le Roi lui avait écrite, où se trouvaient ces mots : « Si le Grand-Duc veut se perdre, qu'il se perde. » Le Grand-Duc en parut ébranlé : le comte Kinsky, chancelier de Bohême, l'homme le plus fier d'une cour où la vanité dominait, prit la parole, traita toutes les propositions du comte de Gotter de flétrissantes à la gloire des successeurs des Césars; il ranima le Grand-Duc, et contribua plus que tous les autres ministres à rompre cette négociation.
L'Europe était dans la surprise de l'invasion inopinée de la Silésie. Les uns taxaient d'étourderie cette levée de boucliers; d'autres regardaient cette entreprise comme une chose insensée. Le ministre d'Angleterre, Robinson, qui résidait à Vienne, soutenait que le roi de Prusse méritait d'être excommunié en politique. En même temps que le comte de Gotter partit pour Vienne, le Roi envoya le général Winterfeldta en Russie; il y trouva le
a Le Roi parle ici du voyage diplomatique que fit en Russie le major (et non le général) de Winterfeldt, comme s'il n'en avait pas encore été question, bien que lui-même en ait déjà fait mention à la page 63. C'est par Winterfeldt que se conclut une alliance entre la Prusse et la Russie, à Saint-Pétersbourg, le 27 décembre, nouveau style; le jour suivant, le marquis de Botta quittait Berlin pour se rendre en Russie.