<76>trop tard; une chaussée qu'ils avaient à passer pour joindre l'armée, leur avait été barrée par les hussards autrichiens, qui les arrêtèrent longtemps à ce débouché, et ils ne l'abandonnèrent qu'en voyant les leurs en fuite. Cette journée coûta à l'armée de la Reine cent quatre-vingts officiers, sept mille morts, tant cavaliers que fantassins; ils perdirent sept pièces de canon, trois étendards et mille deux cents hommes qui furent faits prisonniers. Du côté des Prussiens, on compta deux mille cinq cents morts, parmi lesquels était le margrave Frédéric,a cousin du Roi; et trois mille blessés. Le premier bataillon des gardes, sur lequel tomba l'effort principal de l'ennemi, y perdit la moitié de ses officiers; et de huit cents hommes dont il était composé, il n'en resta que cent quatre-vingts en état de faire le service.
Cette journée devint une des plus mémorables de ce siècle, parce que deux petites armées y décidèrent du sort de la Silésie, et que les troupes du Roi y acquirent une réputation que le temps ni l'envie ne pourront leur ravir.
Le lecteur aura remarqué sans doute dans le récit de cette ouverture de campagne, que c'était à qui ferait le plus de fautes, du Roi ou du maréchal Neipperg. Si le général autrichien était supérieur par ses projets, les Prussiens l'étaient par l'exécution. Le plan de M. de Neipperg était sage et judicieux : en entrant en Silésie, il sépare les quartiers du Roi; il pénètre à Neisse, où Lentulus le joint, et il est sur le point non seulement de s'emparer de l'artillerie royale, mais encore d'enlever aux Prussiens leurs magasins de Breslau, les seuls qu'ils avaient. Mais M. de Neipperg aurait pu surprendre le Roi à Jägerndorf, et par ce coup seul terminer toute cette guerre; de Neisse il aurait pu enlever le corps du duc de Holstein, qui cantonnait à un mille de là; avec un peu plus d'activité, il aurait pu empêcher le Roi de passer la Neisse à Michelau; de Grottkau encore il aurait dû marcher jour et nuit pour prendre Ohlau, et couper le Roi de Breslau : au lieu de saisir ces occasions, par une sécurité impardonnable
a Frédéric, margrave de Brandebourg, né le 13 août 1710, était fils du margrave Albert-Frédéric et petit-fils du Grand Électeur. Il était colonel dans le régiment d'infanterie du margrave Charles, son frère, lorsqu'il mourut au champ d'honneur.