<8>royaume ne s'était pas trouvé dans une situation plus brillante; il devait une partie de ses avantages à la sage administration du cardinal de Fleury. Louis XIV avait placé ce cardinal, alors ancien évêque de Fréjus, en qualité de précepteur auprès de son petit-fils. Les prêtres sont aussi ambitieux que les autres hommes, et souvent plus raffinés. Après la mort du duc d'Orléans, régent du royaume, Fleury fit exiler le duc de Bourbon qui occupait cette place, pour la remplir lui-même. Il mettait plus de prudence que d'activité dans sa manière de gouverner; du lit de ses maîtresses il persécutait les jansénistes : il ne voulait que des évêques orthodoxes, et cependant, dans une grande maladie qu'il fit, il refusa les sacrements de l'Église. Richelieu et Mazarin avaient épuisé ce que la pompe et le faste peuvent donner de considération : Fleury fit, par contraste, consister sa grandeur dans la simplicité. Ce cardinal ne laissa qu'une assez mince succession à ses neveux; mais il les enrichit par d'immenses bienfaits que le Roi répandit sur eux. Ce premier ministre préférait les négociations à la guerre, parce qu'il était fort dans les intrigues, et qu'il ne savait pas commander les armées : il affectait d'être pacifique, pour devenir l'arbitre plutôt que le vainqueur des rois; hardi dans ses projets, timide dans leur exécution; économe des revenus de l'État, et doué d'un esprit d'ordre; qualités qui le rendirent utile à la France, dont les finances étaient épuisées par la guerre de succession, et par une administration vicieuse. Il négligea trop le militaire, et fit trop de cas des gens de finance : de son temps la marine était presque anéantie, et les troupes de terre, si fort négligées, qu'elles ne purent pas tendre leurs tentes la première campagne de l'année 1733. Avec quelques bonnes parties pour l'administration intérieure, ce ministre passait en Europe pour faible et fourbe, vices qu'il tenait de l'Église, où il avait été élevé. Cependant la bonne économie de ce cardinal avait procuré au royaume les moyens de se libérer d'une partie des dettes immenses contractées sous le règne de Louis XIV. Il répara les désordres de la régence; et, à force de temporiser, la France se releva du bouleversement qu'avait causé le système de Law.
Il fallait vingt années de paix à cette monarchie, pour respirer