<XXVIII>serait le comble de la démence d'ébruiter soi-même, par vaine gloire, la partie faible de l'État : les ennemis, charmés d'une pareille découverte, ne manqueraient pas d'en profiter. La prudence exige donc qu'on abandonne au public la liberté de ses jugements téméraires, et que, ne pouvant se justifier pendant sa vie sans compromettre l'intérêt de l'État, l'on se contente de se légitimer aux yeux désintéressés de la postérité.
Peut-être ne sera-t-on pas fâché que j'ajoute quelques réflexions générales à ce que je viens de dire sur les événements qui sont arrivés de mon temps. Je vois premièrement que les petits États peuvent se soutenir contre les plus grandes monarchies, lorsque ces États ont de l'industrie et beaucoup d'ordre dans leurs affaires. Je trouve que les grands empires ne vont que par des abus; qu'ils sont remplis de confusion; et qu'ils ne se soutiennent que par leurs vastes ressources, et par la force intrinsèque de leur masse. Les intrigues qui se font dans ces cours, perdraient des princes moins puissants; elles nuisent toujours, mais elles n'empêchent pas que de nombreuses armées ne conservent leur poids. J'observe que toutes les guerres portées loin des frontières de ceux qui les entreprennent, n'ont pas les mêmes succès que celles qui se font à portée de la patrie. Ne serait-ce pas par un sentiment naturel dans l'homme, qui sent qu'il est plus juste de se défendre que de dépouiller son voisin? Mais peut-être la raison physique l'emporte-t-elle sur la morale, par la difficulté de pourvoir aux vivres dans une distance éloignée de la frontière, à fournir à temps les recrues, les remontes, les habillements, les