<10>craintes et mes espérances sur la plus chère et la plus flatteuse de toutes mes pensées? Suis-je assez heureux pour que S. M. le roi de Prusse daigne encore m'honorer de la protection et des bontés dont ses lettres m'ont flatté? Je n'ai point osé depuis longtemps importuner S. M. par les miennes;
Quis posset dignum pollenti pectore carmen
Condere pro rerum majestate?a .....
Si vous vouliez bien, monsieur, renouveler mes très-humbles hommages au Roi et tous les sentiments de mon respect et de mon admiration, vous pourriez m'instruire s'il me sera permis d'envoyer à S. M. la comédieb que j'ai donnée cette année au théâtre, et qui ne sera imprimée que quand on la redonnera cet hiver. Tous les arts et tous les talents doivent au maître, au génie qui les éclaire, leur tribut et leur hommage, hommage également au-dessus de l'inutile fiction et de la basse flatterie.
Ce culte servile et frivole
Que l'adulation rend aux titres, aux rangs,
Déshonore à la fois l'usage des talents,
Et le sacrifice, et l'idole.
Que de rois chantés dans leur temps
Par les vils flagorneurs de leur petite gloire,
Et bientôt disparus avec leurs complaisants,
Et leurs autels, et leur mémoire!
Pour qui la vérité brûle-t-elle l'encens?
Quel est l'heureux tribut qu'avoueront les sages?
C'est celui des êtres pensants,
Offert au monarque des sages.
Si vous jugez ces vers dignes d'un instant d'attention, ayez la bonté, monsieur, de les montrer à S. M. et de m'apprendre s'ils ont eu la gloire de lui plaire.
Il y a déjà quelque temps que madame la duchesse de Chaulnes m'a chargé de la lettre que vous trouverez ici. Je n'ai pu la faire partir que fort longtemps après sa date, vu que je ne fais que de
a Lucrèce, De la nature des choses, livre V, v. 1 et 2 :
Quis potis est dignum, etc.
b Le Méchant.