<271>avons outre cela six généraux, quatre-vingts officiers et passé deux mille hommes de prisonniers. On compte les blessés que les Russes ont traînés avec eux au nombre de neuf mille hommes. Voilà le gros de l'affaire, et ce qui a été le résultat de cette sanglante journée. Depuis, les mouvements du maréchal Daun et de l'armée de l'Empire m'ont obligé d'accourir de ce côté-ci, où j'ai été arrêté jusqu'à présent par les postes de ces gens-là.b L'on dirait que le mont Caucase, ou le pic de Ténériffe, ou les Cordillères ont enfanté les généraux autrichiens; dès qu'ils voient une montagne, ils sont dessus; ils sont amoureux des rochers et des défilés à la folie. Cela rend la guerre pénible et longue, ce qui ne me convient ni l'un ni l'autre. J'aurai encore six semaines à danser sur la corde; dès que l'hiver sera venu, et que vous saurez la fin du spectacle, je vous répondrai plus au long sur tout ce que vous voudrez m'interroger. Adieu, mon cher ami; je vous embrasse.

19. AU MÊME.

Ramsen (Rammenau), 4 octobre 1758.

J'ai reçu, mon cher mylord, une de vos lettres, du 10 août. Je mets son retardement sur le compte de tous les contre-temps qu'amène la guerre. Je suis d'autant plus sensible aux marques de votre amitié, que depuis longtemps je suis en butte à la haine de l'Europe entière; c'est le cas d'un homme qui ressent d'autant mieux les agréments de la société, qu'il en a été privé depuis longtemps. Je crois, tout comme vous, que Cartouche, le comte Kaunitz, l'abbé de Bernis, Palmstjerna, etc., etc., etc., ont une âme toute pareille; mais la différence qu'il y a, c'est que la justice pouvait faire rouer Cartouche,a et que nos politiques modernes sont au-dessus de toute juridiction. Ils se tiennent tranquilles dans leurs cours, tandis que leurs satellites jouent les scènes


b Voyez t. IV, p. 236 et 237.

a Voyez t. XIX, p. 418.