<274>mourir mille fois que de consentir à des conditions de paix flétrissantes pour la Prusse; que peut-être on pourrait même tirer quelques avantages d'un accommodement; et, comme c'est un préalable de captiver la faveur des médiateurs, personne que vous n'est plus fait à se faire aimer et à rendre respectable et aimable la cour qui vous emploie. Je ne puis vous donner des instructions précises avant que nos ennemis ne commencent à parler, ou que les organes par lesquels ils veulent communiquer leurs intentions ne nous les expliquent. Vous m'apprenez que mes ennemis me calomnient jusqu'à l'Escurial. J'y suis accoutumé : je n'entends que mensonges répandus sur mon sujet; je ne suis presque nourri que d'infâmes satires et que d'impostures grossières que la haine et l'animosité ne cessent de publier en Europe. Mais on s'accoutume à tout; Louis XIV devait être à la fin aussi dégoûté et rassasié des flatteries dont il avait sans cesse les oreilles pleines que je le suis de tout le mal qu'on dit de moi. Ce sont des armes indignes que les grands princes ne devraient jamais employer contre leurs égaux; c'est se dégrader mutuellement et apprendre au public à rire de ce que l'intérêt des princes devrait lui rendre respectable. Qu'importent ces petites humiliations de l'amour-propre? Nos ennemis nous font souvent du bien en nous persécutant :
Au Cid persécuté Cinna dut sa naissance.aJe les abandonne donc à tous les mouvements de leur haine, à toute la fureur de leur ressentiment, pour vous assurer, mon cher mylord, que, tant que je vivrai, vous pourrez compter sur la constance et la solidité de mon amitié.
a Boileau, Épître VII, A M. Racine, v. 52. Le cardinal de Richelieu s'efforça de faire tomber le Cid, de Corneille, représenté pour la première fois en 1636, et ce poëte donna en 1640 sa tragédie de Cinna, son chef-d'œuvre.