<292>ment auquel on ne se serait pas attendu il y a un an. Je ne sais s'il sera du goût de votre compatriote, qui, me semble, se prépare à lui un dénoûment plus funeste par la façon despotique dont il exerce sa puissance sur une nation libre. Mais laissons-le agir, et revenons-en à ce qui nous regarde. Je me flatte donc, mon vieil ami, mon cher mylord, que la paix me procurera la consolation de vous revoir; je crois que nous signerons le mois prochain, et que cette grande affaire se terminera heureusement. Représentez-vous un homme qui a longtemps été battu par la tempête sur mer, et qui aperçoit enfin la terre où il va aborder. Voilà précisément mon cas; je me réjouis si fort de cet heureux aspect, que quelquefois je le révoque en doute; mais, grâce au ciel, il y a trop de réalité pour ne rien craindre à l'avenir. J'espère d'être au mois d'avril de retour auprès de mes pénates et de mes foyers domestiques, et veuille le destin que je ne les quitte jamais pour une raison semblable! Enfin, mon cher mylord, voilà un grand hasard d'esquivé, et le repos, dont tout le monde avait tant de besoin, sur le point de se rétablir dans toute l'Europe. Je suis bien persuadé que vous participez à ma joie, et que vous la partagez avec moi. Adieu, mon cher mylord; je vous écrirai dès que je serai déchargé de la grosse besogne qui m'occupe à présent, et que mon travail commencera à s'alléger. Occupé ou désœuvré, je serai toujours le même pour vous, c'est-à-dire, votre fidèle ami; je me flatte que vous en êtes bien persuadé.
44. AU MÊME.
(Potsdam) ce 24 (avril 1763).
J'ai trouvé ici à mon arrivée, mon cher mylord, de l'occupation pour six mois, et de l'ouvrage qui est dur, pénible et désagréable. Cependant il faut y passer. Vous me faites espérer de vous voir, ce qui me fait un sensible plaisir. Je reconnais ici toutes les murailles de ma patrie, mais je n'y retrouve plus mes connaissances;