2. AU MÊME.
Camp de la Neisse, 23 septembre 1741.a
J'ai reçu votre lettre et vos vers,b dont je vous remercie. J'ai mis sur le compte de votre imagination ce que vos vers ont eu de trop flatteur pour moi, quoique, en faisant abstraction du fond de la chose, ils m'aient paru d'un acabit admirable; mais la vérité et la poésie marchent rarement ensemble.
Pour moi, qui n'ai pas l'honneur d'être
Immortel citoyen des cieux,
J'assigne votre encens aux dieux,
Car il m'étourdirait au lieu de me repaître.
Cette ode que je vous ai envoyée l'hiver passé était si fautive, que je l'ai réprouvée entièrement. Elle a reçu, depuis, une forme plus régulière. Je vous l'enverrai à mon retour de la campagne, à condition que vous brûliez la première.
Mes vers, enfants d'un léger badinage,
Ne sont, Gresset, que des ours mal léchés;
Ils sont perdus, si, par esprit volage,
A Paris vous les affichez.
a Voyez t. XVII, p. 153.
b
Au roi de Prusse.
Du trône et des plaisirs voler à la victoire.
Par soi-même asservir des peuples belliqueux,
Au sein de la puissance, au faîte de la gloire,
Penser en homme vertueux,
Aux arts anéantis donner un nouvel être,
Les protéger en roi, les embellir en maître,
Éclairer les mortels et faire des heureux,
Aux jours de gloire et de génie
Des Césars et des Antonins
C'était l'ouvrage de la vie
Et les destins divers de divers souverains.
Mais le héros nouveau de l'Europe étonnée
Sait faire des vertus, des talents, des travaux
De tant de différents héros
L'histoire d'un seul homme et celle d'une année.