<49>si éloigné de disputer la sûreté de leur commerce, que je publie hautement et journellement que je n'ai jamais eu le plus petit chagrin par eux auprès de V. M., et qu'il ne m'en a été causé que par les Français de la nation des beaux esprits, qui n'ont pu me pardonner de me conduire moins follement qu'eux. C'est exactement la seule espèce de peine que j'aie eue au service de V. M. Tous les agréments du pays que j'habite ne me dérobent point au souvenir des bontés de V. M. et aux sentiments du plus tendre et du plus respectueux attachement qu'exige de ma part la manière dont elle daigne me les continuer. Ce n'est que la droiture de mon cœur qui peut me les mériter, et j'ose vous jurer, Sire, que ce cœur-là vous sera toujours acquis et dévoué; daignez en permettre toujours et les aveux, et les hommages. Je suis, etc.
26. A M. DARGET.
Le 29 juillet 1754.
J'ai reçu votre lettre, mon bon Darget, après un tour que j'ai été faire en Franconie pour voir mes deux sœurs. Maupertuis est ici de retour, et ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'il n'a point encore été question de Voltaire. Algarotti a pris la clef des champs; il s'établit à Venise, où il épouse une personne qui, dit-on, lui donne du bien. Voilà un grand dérangement dans la société, et vous autres me faites faire maison neuve malgré moi. Si vous voyez Valori, faites-lui mes compliments.
Je m'en vais à présent à Sans-Souci, où je prendrai les eaux tranquillement, sans entendre parler ni des querelles des dévots, ni des représentations des parlements, ni des envieuses intrigues des beaux esprits. Adieu, mon bon Darget; je vous souhaite gaieté et repos, mais surtout que vous pissiez bien, car point de salut dans ce monde avec des caroncules dans l'urètre.