8. A M. DARGET.
Avril 1752.
En vérité, mon bon Darget, je crois que je verrai revenir ici un mamamouchi.34-a Dieu sait quelles singulières idées passent par la tête de vos compatriotes. L'ordre de Saint-Jean de Latran est si <32>méprisé en Italie, qu'on l'achète pour quarante écus. Ce n'est pas la peine de vous faire faire mamamouchi, vous n'avez qu'à vous faire couper six cheveux de tonsure; cela est plus court, et on rira moins d'une tonsure que d'un ordre qui ne donne aucun lustre. Vos médecins français entendent parfaitement, à ce que je vois, l'art de vous faire rendre bourse. Vous reviendrez ici comme vous êtes parti, et vous ne guérirez que par l'exercice; c'est ce que mon ignorance ose vous assurer.
Voltaire s'est conduit ici en faquin et en fourbe consommé; je lui ai dit son fait comme il le mérite. C'est un misérable, et j'ai honte pour l'esprit humain qu'un homme qui en a tant soit si plein de malfaisance. Je me recommande au souvenir de M. le chevalier. Pour Dieu, si vous vous faites mamamouchi, avertissez-m'en d'avance; je pourrais mourir de rire en vous revoyant, ce qui ne serait pas décent.
34-a Le mot mamamouchi, forgé par Molière (Le Bourgeois gentilhomme, acte IV, scène V), n'a de rapport avec aucun mot turc ou arabe.