13. AU MÊME.
Après la bataille de Kolin, 18 juin 1757.
Les grenadiers impériaux sont une troupe admirable; ils défendaient une hauteur que ma meilleure infanterie n'a jamais pu emporter. Ferdinand a attaqué sept fois, mais inutilement. A la première, il s'est emparé d'une batterie qu'il n'a pu garder. Les ennemis avaient l'avantage d'une artillerie nombreuse et bien servie; elle fait honneur à Lichtenstein,298-a qui en est directeur. La Prusse seule peut le lui disputer. J'avais trop peu d'infanterie. Toute ma cavalerie était présente, et a été oisive, à un coup de collier près, que j'ai donné avec mes gendarmes et quelques dragons. Ferdinand attaquait sans poudre, mais en revanche les ennemis n'ont pas épargné la leur. Ils avaient pour eux les hauteurs, des retranchements et une artillerie prodigieuse. Plusieurs de mes régiments ont été fusillés. Henri a fait des merveilles. Je tremble pour mes dignes frères; ils sont trop braves. La fortune m'a tourné le dos. Je devais m'y attendre; elle est femme, et je ne suis pas galant. Je devais prendre plus d'infanterie; vingt-trois bataillons ne suffisaient pas pour déloger soixante mille hommes d'un poste avantageux. Les succès, mon cher lord, donnent souvent une confiance nuisible; nous ferons mieux une autre fois. 298-bQue dites-vous de cette ligue qui n'a pour objet que le marquis de Brandebourg? Le Grand Électeur serait bien étonné de voir son petit-fils aux prises avec les Russes, les Autrichiens, presque toute l'Allemagne, et cent mille Français auxiliaires. Je ne sais s'il y aura de la honte à moi à succomber, mais je sais qu'il y aura peu de gloire à me vaincre.
298-a Voyez t. IV, p. 10, et t. XIV, p. 286.
298-b Les lignes qui terminent cette pièce sont citées dans l'Éloge du roi de Prusse (par le marquis de Guibert), Londres, 1787, p. 151, comme faisant partie d'une lettre adressée à Voltaire.