<10>veilleuse. Mais l'amitié, qui me retient dans la retraite où je suis, ne me permet pas d'en sortir. Vous pensez sans doute comme Julien, ce grand homme si calomnié, qui disait que les amis doivent toujours être préférés aux rois.

Dans quelque coin du monde que j'achève ma vie, soyez sûr, monseigneur, que je ferai continuellement des vœux pour vous, c'est-à-dire, pour le bonheur de tout un peuple. Mon cœur sera au rang de vos sujets; votre gloire me sera toujours chère. Je souhaiterai que vous ressembliez toujours à vous-même, et que les autres rois vous ressemblent. Je suis avec un profond respect

de Votre Altesse Royale
le très-humble, etc.

3. A VOLTAIRE.

Le 9 septembre 1736.a

Monsieur, c'est une épreuve bien difficile pour un écolier en philosophie que de recevoir des louanges d'un homme de votre mérite. L'amour-propre et la présomption, ces cruels tyrans de l'âme, qui l'empoisonnent en la flattant, se croient autorisés par un philosophe, et, recevant des armes de vos mains, voudraient usurper sur ma raison un empire que je leur ai toujours disputé. Heureux si, en les convainquant et en mettant la philosophie en pratique, je puis répondre un jour à l'idée, peut-être trop avantageuse, que vous avez de moi!

Vous faites, monsieur, dans votre lettre, le portrait d'un prince accompli, auquel je ne me reconnais point. C'est une leçon habillée de la façon la plus ingénieuse et la plus obligeante; c'est enfin un tour artificieux pour faire parvenir la timide vérité jus-


a Rheinsberg, 4 novembre 1736. (Variante des Œuvres posthumes. t. VIII, p. 235. Dans la traduction allemande de ce recueil, t. V III, p. 9, cette lettre est aussi datée de Rheinsberg, mais du 9 novembre.)