<105>actions sont nécessaires, puisque, par votre aveu même, vous agissez toujours conformément à votre volonté, et que je viens de vous prouver : 1o que votre volonté est nécessairement déterminée par le jugement de votre entendement; 2o que ce jugement dépend de la nature de vos idées; et enfin 3o que vos idées ne dépendent point de vous.
Comme cet argument, dans lequel les ennemis de la liberté mettent leur principale force, a plusieurs branches, il y a aussi plusieurs réponses.
1o Quand on dit que nous ne sommes pas libres quant à l'acte même de vouloir, cela ne fait rien à notre liberté; car la liberté consiste à agir ou ne pas agir, et non pas à vouloir et à ne vouloir pas.
2o Notre entendement, dit-on, ne peut s'empêcher de juger bon ce qui lui paraît tel; l'entendement détermine la volonté, etc. Ce raisonnement n'est fondé que sur ce qu'on fait, sans s'en apercevoir, autant de petits êtres de la volonté et de l'entendement, lesquels on suppose agir l'un sur l'autre, et déterminer ensuite nos actions. Mais c'est une méprise qui n'a besoin que d'être aperçue pour être rectifiée; car on sent aisément que vouloir, juger, etc., ne sont que différentes fonctions de notre entendement. De plus, avoir des perceptions, et juger qu'une chose est vraie et raisonnable, lorsqu'on voit qu'elle l'est effectivement, ce n'est point une action, mais une simple passion; car ce n'est en effet que sentir ce que nous sentons, et voir ce que nous voyons, et il n'y a aucune liaison entre l'approbation et l'action, entre ce qui est passif et ce qui est actif.
3o Les différences des choses déterminent, dit-on, notre entendement. Mais on ne considère pas que la liberté d'indifférence, avant le dictamen de l'entendement, est une véritable contradiction dans les choses qui ont des différences réelles entre elles; car, selon cette belle définition de la liberté, les idiots, les imbéciles, les animaux même, seraient plus libres que nous; et nous le serions d'autant plus, que nous aurions moins d'idées, que nous apercevrions moins les différences des choses, c'est-à-dire, à proportion que nous serions plus imbéciles; ce qui est absurde. Si c'est cette liberté qui nous manque, je ne vois pas que nous