<120>n'a jamais vu, dont on n'a aucune nouvelle, et qui est inaccessible. Aussi ces messieurs ne font-ils que ce qu'ils peuvent. Ils nous débitent leurs romans dans l'ordre le plus géométrique qu'ils ont pu imaginer; et leurs raisonnements, semblables à des toiles d'araignées, sont d'une subtilité presque imperceptible. Si les Des Cartes, les Locke, les Newton, les Wolff, n'ont pu deviner le mot de l'énigme, il est à croire, et l'on peut même affirmer, que la postérité ne sera pas plus heureuse que nous en ses découvertes.
Vous avez considéré ces systèmes en sage; vous en avez vu l'insuffisance, et vous y avez ajouté des réflexions très-judicieuses. Mais ce trésor que je possédais par procuration est entre les mains d'Émilie; je n'oserais le réclamer, malgré l'envie que j'en ai; je me contenterai de vous en faire souvenir modestement pour ne pas perdre la valeur de mes droits.
En vérité, monsieur, si la nature a le pouvoir de faire une exception à la règle générale, elle en doit faire une en votre faveur; et votre âme devrait être immortelle, afin que Dieu pût être le rémunérateur de vos vertus. Le ciel vous a donné des gages d'une prédilection si marquée, qu'en cas d'un avenir, j'ose vous répondre de votre félicité éternelle. Cette lettre-ci vous sera remise par le ministère de M. Thieriot. Je voudrais non seulement que mon esprit eût des ailes pour qu'il pût se rendre à Cirey, mais je voudrais encore que ce moi matériel, enfin ce véritable moi-même, en eût pour vous assurer de vive voix de l'estime infinie avec laquelle je suis, monsieur, etc.
34. AU MÊME.a
Remusberg, 6 décembre 1737.
Monsieur, misérable inconstance humaine! s'écrierait un orateur, s'il savait la résolution que j'avais prise de ne plus toucher à mon
a Cette lettre est tirée des Œuvres posthumes. t. VIII, p. 316-319.