<214>arriver, et je ne sais quel pouvoir invincible m'empêche de satisfaire mon empressement pour vous voir. Vous ne sauriez concevoir ce que me fait souffrir votre voisinage; ce sont des impatiences, ce sont des inquiétudes, ce sont enfin toutes les tyrannies de l'absence.
Rapprochez, s'il se peut, votre méridien du nôtre; faisons faire un pas à Remusberg et à Cirey pour se joindre.
Que par un système nouveau
Quelque savant change la terre,
Et qu'il retranche, pour nous plaire,
Les monts, les plaines et les eaux
Qui séparent nos deux hameaux.
Je souhaiterais beaucoup que M. de Maupertuis pût me rendre ce service. Je lui en saurais meilleur gré que de ses découvertes sur la figure de la terre, et de tout ce que lui ont appris les Lapons.
A propos de voyage, je viens de passer dans un pays où assurément la nature n'a rien épargné pour rendre les terres les plus fertiles, et les contrées les plus riantes du monde; mais il semble qu'elle se soit épuisée en faisant les arbres, les haies, les ruisseaux qui embellissent ces campagnes, car assurément elle a manqué de force pour y perfectionner notre espèce.
J'ai vu presque toute la Westphalie, qui s'est trouvée sur notre passage. En vérité, si Dieu daigna communiquer son souffle divin à l'homme, il faut que cette nation en ait eu en très-petite quantité. Tant y a qu'elle en est si mal partagée, que c'est un fait à mettre en question, si ces figures humaines sont des hommes qui pensent, ou non. Je suspends mon jugement pour l'amour de l'humanité, et de crainte que vous ne preniez pour une médisance ce que je pourrais vous dire sur ce sujet.a
Je m'entretiens de votre réputation avec tous ceux qui viennent ici de Hollande, et je trouve des gens qui pensent comme moi, ou je fais des prosélytes. J'ai combattu pour vous à Brunswicb
a Cet alinéa, omis dans l'édition de Kehl, se trouve dans les Œuvres posthumes, t. IX, p. 5 et 6.
b Je demande de vos nouvelles à tous ceux qui viennent de la Hollande; tous ceux à qui j'ai parlé m'entretiennent des libelles infâmes dont vos compatriotes vous persécutent, et de l'ingratitude de votre nation, qui souffre qu'on couvre d'opprobres un homme qui fait honneur à sa patrie, et qui doit un jour rendre illustre le siècle dans lequel il a vécu. J'ai soutenu votre cause à Brunswic, etc. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 6.)