72. DE VOLTAIRE.
Cirey, 1er janvier 1739.
Jeune héros, esprit sublime,
Quels vœux pour vous puis-je former?
Vous êtes bienfaisant, sage, humain, magnanime;
Vous avez tous les dons, car vous savez aimer.
Puissent les souverains qui gouvernent les rênes
De ces puissants Etats gémissant sous leurs lois
Dans le sentier du vrai vous suivre quelquefois,
Et, pour vous imiter, prendre au moins quelques peines!
Ce sont là tous mes vœux, ce sont là les étrennes
Que je présente à tous les rois.
Comme j'allais continuer sur ce ton, monseigneur, la lettre de V. A. R. et l'Épître au prince qui a le bonheur d'être votre frère sont venues me faire tomber la plume des mains. Ah! monseigneur, que vous avez un loisir singulièrement employé, et que le talent extraordinaire, dans tout homme né hors de France, de faire des vers français, et plus rare encore dans une personne de votre rang, s'accroît et se fortifie de jour en jour! Mais que ne faites-vous point! et, de la science des rois jusqu'à la musique et à l'art de la peinture, quelle carrière ne remplissez-vous pas! Quel présent de la nature n'avez-vous pas embelli par vos soins!
Mais quoi! monseigneur, il est donc vrai que V. A. R. a un frère digne d'elle? C'est un bonheur bien rare; mais, s'il n'en est pas tout à fait digne, il faudra qu'il le devienne, après la belle Épître de son frère aîné; voilà le premier prince qui ait reçu une éducation pareille.
Il me semble, monseigneur, qu'il y a eu un des électeurs, vos ancêtres, qu'on surnomma le Cicéron de l'Allemagne; n'était-ce pas Jean II? V. A. R. est bien persuadée de mon respect pour ce prince; mais je suis persuadé que Jean II n'écrivait point en prose comme Frédéric; et, à l'égard des vers, je défie toute l'Allemagne, et presque toute la France, de faire rien de mieux que cette belle Épître.
O vous en qui mon cœur, tendre et plein de retour,
Chérit encor le sang qui lui donna le jour!