<275>des avis et de sages conseils. Vous me les devez assurément, et je vous prie de ne point ménager mon amour-propre.
J'ai lu avec un plaisir infini le morceau de la Henriade que vous avez corrigé. Il est beau, il est superbe. Je voudrais bien, indépendamment de cela, avoir fait celui que vous retranchez. Je suis destiné, je crois, à sentir plus vivement que les autres les beautés dont vous ornez vos ouvrages; ces beaux vers que je viens de lire m'ont animé de nouveau du feu d'Apollon. Telle est la force de votre génie, qu'il se communique à plus de deux cents lieues. Je vais monter mon luth pour former de nouveaux accords.
Il n'y a point lieu de douter que vous réussirez dans la nouvelle tragédie que vous travaillez. Lorsque vous parlez de la gloire, on croit en entendre discourir Jules César. Parlez-vous de l'humanité, c'est la nature qui s'explique par votre organe. S'agit-il d'amour, on croit entendre le tendre Anacréon ou le chantre divin qui soupira pour Lesbie. En un mot, il ne vous faut que cette tranquillité d'âme que je vous souhaite de tout mon cœur, pour réussir et pour produire des merveilles en tout genre.
Il n'est point étonnant que l'Académie royale ait préféré quelque mauvais ouvrage de physique à l'excellent Essai de la marquise. Combien d'impertinences ne se sont pas dites en philosophie! De quelles absurdités l'esprit humain ne s'est-il point avisé dans les écoles! Quel paradoxe reste-t-il à débiter, qu'on n'ait point soutenu? Les hommes ont toujours penché vers le faux; je ne sais par quelle bizarrerie la vérité les a toujours moins frappés. La prévention, les préjugés, l'amour-propre, l'esprit superficiel, seront, je crois, pendant tous les siècles, les ennemis qui s'opposeront aux progrès des sciences; et il est bien naturel que des savants de profession aient quelque peine à recevoir les lois d'une jeune et aimable dame qu'ils reconnaîtraient tous pour l'objet de leur admiration dans l'empire des grâces, mais qu'ils ne veulent point reconnaître pour l'exemple de leurs études dans l'empire des sciences. Vous rendez un hommage vraiment philosophique à la vérité. Ces intérêts, ces raisons petites ou grandes, ces nuages épais qui obscurcissent pour l'ordinaire l'œil du vulgaire, ne peuvent rien sur vous; et les vérités