<293>vants et les orangers sont de ces plantes qu'il faut transplanter dans ce pays, mais que notre terrain ingrat est incapable de reproduire, lorsque les rayons arides du soleil ou les gelées violentes des hivers les ont une fois fait sécher. C'est ainsi qu'insensiblement et par degrés la barbarie s'est introduite dans la capitale de l'univers, après le siècle heureux des Cicéron et des Virgile. Lorsque le poëte est remplacé par le poëte, le philosophe par le philosophe, l'orateur par l'orateur, alors on peut se flatter de voir perpétuer les sciences. Mais lorsque la mort les ravit les uns après les autres, sans qu'on voie ceux qui peuvent les remplacer dans les siècles à venir, il ne semble point qu'on enterre un savant, mais plutôt les sciences.
Je suis avec tous les sentiments que vous faites si bien sentir à vos amis, et qu'il est si difficile d'exprimer, etc.
88. DE VOLTAIRE.
Louvain, 30 mai 1739.
Monseigneur, en partant de Bruxelles, j'ai reçu tout ce qui peut flatter mon âme et guérir mon corps, et c'est à V. A. R. que je le dois;
.... Deus nobis haec munera fecit.aVous voulez que je vive, monseigneur; j'ose dire que vous avez quelque raison de ne pas vouloir que le plus tendre de vos admirateurs, le fidèle témoin de ce qui se passe dans votre belle âme, périsse sitôt. La Henriade et moi, nous vous devrons la vie. Je suis bien plus honoré que ne le fut Virgile. Auguste ne fit des vers pour lui qu'après la mort de son poëte, et V. A. R. fait vivre le sien, et daigne honorer la Henriade d'un Avertissement de sa main. Ah! monseigneur, qu'ai-je affaire de la misérable bienveillance d'un cardinal que la fortune a rendu puissant? qu'ai-je
a Virgile, Bucoliques, églogue I, v. 6.