<294>besoin des autres hommes? Plût à Dieu que je restasse dans l'ermitage du comte de Loo, où je vais suivre Émilie! Nous arrivâmes avant-hier à Bruxelles. Nous voici en route; je ne commencerai que dans quelques jours à jouir d'un peu de loisir; dès que j'en aurai, je mettrai en ordre de quoi amuser quelques quarts d'heure mon protecteur, tandis qu'il s'occupera à ce bel ouvrage, si digne d'un prince comme lui. S'il daigne écrire contre Machiavel, ce sera Apollon qui écrasera le serpent Python. Vous êtes certainement mon Apollon, monseigneur; vous êtes pour moi le dieu de la médecine et celui des vers; vous êtes encore Bacchus, car V. A. R. daigne envoyer de bon vin à Émilie et à son malade. Ayez donc la bonté d'ordonner, monseigneur, que ce présent de Bacchus soit voituré à l'adresse d'un de ses plus dignes favoris; c'est M. le duc d'Aremberg; tout vin doit lui être adressé, comme tout ouvrage vous doit hommage. Il y a certaines cérémonies à Bruxelles, pour le vin, dont il nous sauvera; j'espère que je boirai avec lui à la santé de mon cher souverain, du vrai maître de mon âme, dont je suis plus réellement le sujet que du roi sous lequel je suis né. Il faut partir; je finis une lettre que mon cœur très-bavard ne m'eût point permis de finir sitôt; quand je serai arrivé, je donnerai une libre carrière à mes remercîments, et la digne Émilie aura l'honneur d'y joindre les siens. Je ferai serment de docilité au médecin dont V. A. R. a eu la bonté de m'envoyer la consultation. J'écrirai à votre aimable favori, M. de Keyserlingk; je remplirai tous les devoirs de mon cœur; je suis à vos pieds, grand prince,

O et praesidium et dulce decus meum!a

Je suis en courant, mais avec les sentiments les plus inébranlables de respect, d'admiration, de tendre reconnaissance, monseigneur, etc.


a Horace, Odes, liv. I, ode 1, v. 2.