<32>de la beauté des futurs. Je suis fort curieux de voir la suite du Mondain que vous me promettez. Le plan que vous m'en marquez est tout fondé sur la raison et sur la vérité. En effet, la sagesse du Créateur n'a rien fait inutilement dans ce monde. Dieu veut que l'homme jouisse des choses créées, et c'est contrevenir à son but que d'en user autrement. Il n'y a que les abus et les excès qui rendent pernicieux ce qui, d'ailleurs, est bon en soi-même.
Ma morale, monsieur, s'accorde très-bien avec la vôtre. J'avoue que j'aime les plaisirs et tout ce qui y contribue. La brièveté de la vie est le motif qui m'enseigne d'en jouir. Nous n'avons qu'un temps, dont il faut profiter. Le passé n'est qu'un rêve, le futur est incertain. Ce principe n'est point dangereux; il faut seulement n'en point tirer de mauvaise conséquence.
Je m'attends que votre essai de moralea sera l'histoire de mes pensées. Quoique mon plus grand plaisir soit l'étude et la culture des beaux-arts, vous savez, monsieur, mieux que personne, qu'ils exigent du repos, de la tranquillité et du recueillement d'esprit :
Car loin du bruit et du tumulte,
Apollon s'était retiré
Au haut d'un coteau consacré
Par les neuf Muses à son culte.
Pour courtiser les doctes Sœurs,
Il faut du repos, du silence,
Et des travaux en abondance
Avant de goûter leurs faveurs.
Voltaire, votre nom, immortel dans l'histoire,
Est gravé par leurs mains aux fastes de la gloire.
Il y a bien de la témérité pour un écolier, ou, pour mieux dire, à une grenouille du sacré vallon, d'oser croasserb en présence d'Apollon. Je le reconnaisse me confesse, et vous en demande l'absolution. L'estime que j'ai pour vous me la doit mériter. Il est bien difficile de se taire sur de certaines vérités, quand on en est bien pénétré, risque à s'exprimer bien ou mal. Je suis dans ce cas; c'est vous qui m'y mettez, et qui par conséquent devez avoir plus d'indulgence pour moi qu'aucun autre.
a Le Traité de métaphysique.
b Voyez t. X, p. 12, et t. XVIII, p. 22 et 109.