<346>Glace ce sang bouillant et vif
Qui, dans ma jeunesse première,
Me rendait vigilant, actif.
On m'ennuie en cérémonie;
L'ordre pédant, la symétrie,
Tiennent, en ce séjour oisif,
Lieu des plaisirs de cette vie,
Et nous encensent sur l'autel
Des grandeurs et de la folie.
Ce sacrifice ponctuel
Rendant mon âme appesantie,
Et par les respects assoupie,
Incapable, en ce temps cruel,
De me frotter à Machiavel,
J'attends que, fuyant cette rive,
Je revole à cet heureux bord
Où la nature plus naïve,
Où la gaîté bien moins craintive,
Loin des richesses et de l'or,
Trouvent une grâce plus vive
Dans la liberté, ce trésor,
Que dans la grandeur excessive
Des fortunes qu'offre le sort.
Les chapitres de Machiavel sont copiés par un de mes secrétaires. Il s'appelle Gaillard; sa main ressemble beaucoup à celle de Césarion. Je voudrais que ce pauvre Césarion fût en état d'écrire; mais la goutte l'attaque impitoyablement dans tous ses membres; depuis deux mois il n'a presque point eu de relâche.
Malgré ses cuisantes douleurs,
La Gaîté, le front ceint de fleurs,
A l'entour de son lit folâtre;
Mais la Goutte, cette marâtre,
Change bientôt les ris en pleurs.
Dans un coin, venant de Cythère,
Tristement regardant sa mère,
On voit le tendre Cupidon;
Il pleure, il gémit, il soupire
De la perte que son empire
Fait du pauvre Césarion;
Et Bacchus, vidant son flacon,
Répand des larmes de Champagne