<365>quand il pourra; vous voudrez bien attendre que j'aie le temps d'y mettre la dernière main.
Le monde est si tracassier ici, si inquiet, si turbulent, qu'il n'est presque pas possible d'échapper à ce mal épidémique; tout ce que je puis faire quelquefois, c'est de rimer des sottises. Je m'attends de me trouver bientôt dans une assiette plus tranquille; je reprendrai des occupations plus sérieuses, et qui demandent de la réflexion. A présent, voilà une malheureuse suite de fêtes qu'il faut essuyer, malgré que l'on en ait, et des discours très-inconséquents qu'il faut entendre et même applaudir. Je fais ce manége à contre-cœur, haïssant tout ce qui est hypocrisie et fausseté.
Algarotti m'écrit que Pine n'a pas encore achevé son impression de Virgile, et que la Henriade serait pendue au croc, en attendant l'Énéide. J'en ai fort grondé, car il me semble que
Virgile, vous cédant la place
Qu'il obtint jadis au Parnasse,
Vous devait bien le même honneur
Chez maître Pine, l'imprimeur.
Vous voyez, mon cher Voltaire, la différence qu'il y a entre les décrets d'Apollon et les fantaisies d'un imprimeur. Je soutiens la gloire de ce dieu en accélérant la publication de votre ouvrage. J'espère de réduire bientôt les caprices de cet Anglais en satisfaisant son avidité intéressée.
Assurez, je vous prie, la marquise du Châtelet de mes attentions. Ménagez la santé d'un homme que je chéris, et n'oubliez jamais que, étant mon ami, vous devez apporter tous vos soins à me conserver le bien le plus précieux que j'aie reçu du ciel. Donnez-moi bientôt des nouvelles de votre convalescence, et comptez que, de toutes celles que je puis recevoir, celles-là me seront les plus agréables. Adieu; je suis tout à vous.
Voici un petit paquet que Césarion vous envoie. J'espère que son souvenir ne vous sera pas indifférent, et que vous apprendrez avec plaisir que sa santé se fortifie de jour en jour.a
a Ce post-scriptum, omis dans l'édition de Kehl, est tiré des Œuvres posthumes, t. X, p. 146.