<65>Que vous prêtez un secours puissant à mon amour-propre! Je lui oppose sans cesse l'amitié que vous avez pour moi; mais qu'il est difficile de se rendre justice! et combien ne doit-on pas être en garde contre la vanité à laquelle nous nous sentons une pente si naturelle!

Mon petit ambassadeur partira dans peu pour Cirey, muni d'un crédit et du portrait que vous voulez absolument avoir. Des occupations militaires ont retardé son départ. Il est comme le Messie annoncé; je vous en parle toujours, et il n'arrive jamais. C'est à lui que je vous prie de remettre tout ce que vous voudrez confier à ma discrétion. Je suis avec une très-parfaite estime, monsieur, etc.

21. AU MÊME.

Nauen, 25 mai 1787.

Monsieur, je viens de munir mon cher Césarion de tout ce qu'il lui fallait pour faire le voyage de Cirey. Il vous rendra ce portrait que vous voulez avoir absolument. Il n'y a que la malheureuse matérialité de mon corps qui empêche mon esprit de l'accompagner.

Césarion a le malheur d'être né Courlandais (le baron de Keyserlingk, son père, est maréchal de la cour du duc de Courlande); mais il est le Plutarque de cette Béotie moderne. Je vous le recommande au possible. Confiez-vous entièrement à lui. Il a le rare avantage d'être homme d'esprit et discret en même temps. Je dirai, en le voyant partir :

Cher vaisseau qui portes Virgile
Sur le rivage athénien, etc.a

Si j'étais envieux, je le serais du voyage que Césarion va faire. La seule chose qui me console est l'idée de le voir revenir


a Horace. Odes, livre I, ode 3.