<90>faire la quête des vérités. Je ne troublerai point les glaçons de la Nouvelle-Zemble, ni les déserts arides de l'Éthiopie, pour apprendre des nouvelles de la figure du monde.a Ces découvertes sont certainement louables, et, loin de les blâmer, je les trouve dignes des soins de ceux qui les ont entreprises; mais il me semble que votre façon impartiale et judicieuse d'envisager les choses m'est infiniment plus profitable. J'apprends plus par vos doutes que par tout ce que le divin Aristote, le sage Platon et l'incomparable Des Cartes ont affirmé si légèrement.
En philosophie, ce sont des progrès égaux, ou de se délivrer des préjugés, ou d'acquérir de nouvelles connaissances. L'un éclaire, l'autre instruit. Le plaisir le plus vif qu'un homme raisonnable puisse avoir dans ce monde est, à mon avis, de découvrir de nouvelles vérités. Je m'attendais d'en faire une abondante moisson dans votre Métaphysique; madame du Châtelet m'enlève ce bien, déjà possédé, d'entre les mains de mon ami.
Quel sujet pour une élégie! Cependant il en reste là,Car il avait l'âme trop bonne.b Ne vous attendez donc à aucun reproche. Je vous prie de vouloir seulement dire à la divine Émilie que mon esprit se plaint au sien des ténèbres qu'elle vous empêche de dissiper.
Dans les ténèbres égaré
D'une métaphysique obscure,
J'attendais, pour être éclairé,
Quelques mots de votre écriture.
De l'astre brillant qui nous luit,
Charmante et divine Émilie,
Voulez-vous tirer tout le fruit?
Ah! permettez, je vous en prie,
Que dans mon paisible réduita
Vienne cette philosophie,
Dont certes je ferai profit.
a Allusion aux voyages dont il a été fait mention t. II, p. 39, t. III, p. 28, et t. XI, p. 57.
b Vers de Scarron, dans le Virgile travesti, liv. I.
a Après ce vers on lit dans les Œuvres posthumes, t. VIII, p. 307, celui-ci :
Éloigné du monde et du bruit,