<171>que j'ai pour vos ouvrages. Je ne sais cependant si les spectres et les ombres que vous mettez dans cette pièce lui donneront tout le pathétique que vous vous en promettez. L'esprit du dix-huitième siècle se prête à ce merveilleux lorsqu'il est en récit, et c'est un peu hasarder que de le mettre en action. Je doute que l'ombre du grand Ninus fasse des prosélytes. Ceux qui croient à peine en Dieu doivent rire quand ils voient des démons jouer un rôle sur le théâtre. Je hasarde peut-être trop de vous exposer mes doutes sur une chose dont je ne suis pas juge compétent. Si c'était quelque manifeste, quelque alliance, ou quelque traité de paix, peut-être pourrais-je en raisonner plus à mon aise, et bavarder politique, ce qui est le plus souvent travestir en héroïsme la fourberie des hommes. Je me suis à présent enfoncé dans l'histoire : je l'étudié, je l'écris,a plus curieux de connaître celle des autres que de savoir la fin de la mienne. Je me porte mieux à présent; je vous conserve toujours mon estime, et je suis toujours dans les dispositions de vous recevoir ici avec empressement. Adieu.

Faites, je vous prie, mes compliments à madame du Châtelet, et remerciez-la de la part qu'elle prend à ce qui me regarde.

226. AU MEME.a

Potsdam, 29 novembre 1748.

En vain veux-je vous arrêter,
Partez donc, indiscrète Muse;
Allez vous-même déclamer
Vos vers, que Vaugelas récuse,
Et chez l'Homère des Français
Etaler l'amas des portraits
Qu'a peints votre verve diffuse.


a Les Mémoires de Brandebourg. Voyez t. I, p. xxxv et suivantes.

a Cette lettre se trouve aussi t. XI, p. 144-147.