<188>des retraites et une entière égalité d'âme dont je ne peux presque jouir. Souvent, après avoir fait trois vers, on m'interrompt; ma muse se refroidit, et mon esprit ne se remonte pas facilement. Il y a de certaines âmes privilégiées qui font des vers dans le tumulte des cours comme dans les retraites de Cirey, dans les prisons de la Bastille comme sur des paillasses en voyage. La mienne n'a pas l'honneur d'être de ce nombre; c'est un ananas qui porte dans des serres, et qui périt en plein air.
Adieu; passez par tous les remèdes que vous voudrez, mais surtout ne trompez pas mes espérances, et venez me voir. Je vous promets une couronne nouvelle de nos plus beaux lauriers, une fillette pucelle à votre usage, et des vers en votre honneur.
232. DE VOLTAIRE.
Paris, 17 mars 1749.
Sire, cet éternel malade répond à la fois à deux lettres de Votre Majesté. Dans votre première, vous jugez de la conduite de Catilina avec ce même esprit qui fait que vous gouvernez bien un vaste royaume, et vous parlez comme un homme qui connaît à fond les gens qui gouvernaient autrefois le monde, et que Crébillon a défigurés. Vous aimez Rhadamiste et Électre. J'ai la même passion que vous, Sire; je regarde ces deux pièces comme des ouvrages vraiment tragiques, malgré leurs défauts, malgré l'amour d'Itys et d'Iphianasse, qui gâtent et qui refroidissent un des beaux sujets de l'antiquité, malgré l'amour d'Arsame, malgré beaucoup de vers qui pèchent contre la langue et contre la poésie. Le tragique et le sublime l'emportent sur tous ces défauts, et qui sait émouvoir sait tout. Il n'en est pas ainsi de la Sémiramis. Apparemment V. M. ne l'a pas lue. Cette pièce tomba absolument; elle mourut dans sa naissance, et n'est jamais ressuscitée; elle est mal écrite, mal conduite, et sans intérêt. Il me sied mal peut-être de parler ainsi, et je ne prendrais pas cette liberté, s'il