<211>je ne doute pas que V. M. ne rende plus de justice à deux rois ses amis.
V. M. doit approuver aujourd'hui plus que jamais le dessein qu'avait Charles XII de chasser les Russes de la Livonie et de l'Ingrie, et de mettre une barrière entre eux et l'Europe. Si le roi de Pologne était sur le trône où il doit être, les Polonais pourraient alors se souvenir de ce qu'ils ont été, et contribuer à renvoyer les ours moscovites dans leurs forêts; ce sont là vos sentiments et vos désirs.
Quelques lignes conformes à vos idées, et qui rendraient justice aux deux monarques, feraient un effet désiré de tous ceux qui admirent votre livre; et votre plume serait comme la lance d'Achille, qui guérit la blessure qu'elle avait faite.
243. DU MÊME.
Lunéville en Lorraine, 31 août 1749.
Sire, j'ai le bonheur de recevoir votre lettre datée de votre Tusculum de Sans-Souci, du Linterne de Scipion. Je suis bien consolé que mon agonie vous amuse. Ceci est le chant du cygne; je fais les derniers efforts. J'ai achevé l'esquisse entière de Catilina, telle que V. M. en a vu les prémices dans le premier acte. J'ai depuis commencé la tragédie d'Électre,a que je voudrais bien venir au plus vite achever à Sans-Souci. Je roule aussi de petits projets dans ma tête, pour donner plus de force et d'énergie à notre langue, et je pense que si V. M. voulait m'aider, nous pourrions faire l'aumône à cette langue française, à cette gueuse pincée et dédaigneuse qui se complaît dans son indigence. V. M. saura qu'à la dernière séance de notre Académie, où je me trouvai pour l'élection du maréchal de Belle-Isle, je proposai cette petite question : Peut-on dire un homme soudain dans ses transports, dans ses résolutions, dans sa colère, comme on dit un
a Oreste. Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. VI, p. 145-242.