<242>abrégez les procès dans votre royaume, mettez fin au nôtre d'un mot. V. M. est accoutumée à décider toutes les querelles par la plume comme par l'épée, sans y perdre beaucoup de temps. Je n'ai que celui de lui envoyer ces bagatelles; la poste va partir. Voyez, Sire, combien l'heure presse; vous n'aurez pas seulement quatre vers cette fois-ci. Mais tous les moments de ma vie ne vous en sont pas moins consacrés.
259. DU MÊME.
Paris, 13 avril 1750.a
Grand roi, voici donc le recueil
De ma dernière rapsodie.
Si j'avais quelque grain d'orgueil,
De Frédéric un seul coup d'œil
Me rendrait de la modestie.
Votre tribunal est l'écueil
Où notre vanité se brise;
L'œuvre que votre goût méprise
Dès ce moment tombe au cercueil;
Rien n'est plus juste; votre accueil
Est ce qui nous immortalise.
A propos d'immortalité, Sire, j'aurai l'honneur de vous avouer que c'est une fort belle chose; il n'y a pas moyen de vous dire du mal de ce que vous avez si bien gagné. Mais il vaut mieux vivre deux ou trois mois auprès de V. M. que trente mille ans dans la mémoire des hommes. Je ne sais pas si d'Arnaud sera immortel, mais je le tiens fort heureux dans cette courte vie.
La mienne ne tient plus qu'à un petit fil; je serai fort en colère, si ce petit fil est coupé avant que j'aie encore eu la consolation de revoir le grand homme de ce siècle. Vos vers sur le cardinal de Richelieu ont été retenus par cœur. Le moyen de s'en empêcher!
a Paris, 20 mai 1750. (Variante de l'édition de Kehl, t. LXV, p. 242.)