<260>pourquoi corrompit-on mon secrétaire? pourquoi m'a-t-on attaqué auprès de vous par les rapports les plus bas et par les détails les plus vils? pourquoi vous fit-on dire, dès le 29 novembre, que j'avais acheté pour quatre-vingt mille écus de billets de la Steuer,a tandis que je n'en ai jamais eu un seul, et que, ayant été publiquement sollicité par le juif Hirschel d'en prendre comme les autres, et ayant consulté le sieur Kircheisen sur la nature de ces effets, j'avais, dès le 24 novembre, révoqué mes lettres de change, et défendu à Hirschel de prendre pour moi un seul billet en question? Pourquoi dicta-t-on à Hirschel une lettre calomnieuse adressée à V. M., lettre dont tous les points sont reconnus autant de mensonges par un jugement authentique? Pourquoi osa-t-on dire à V. M. que l'arrêt nécessaire de la personne de ce juif, arrêt sans lequel j'aurais perdu dix mille écus de lettres de change, arrêt fait selon toutes les règles, était contre toutes les règles? Pardon, Sire; que votre grand cœur me permette de continuer. Pourquoi poursuivre ainsi auprès de vous un malheureux étranger, un malade, un solitaire, qui n'est ici que pour vous seul, à qui vous tenez lieu de tout sur la terre, qui a renoncé à tout pour vous entendre et pour vous lire, que son cœur seul a conduit à vos pieds, qui n'a jamais dit un seul mot qui pût blesser personne, et qui, malgré ce qu'il a essuyé, ne se plaindra de personne? Pourquoi m'avait-on prédit ces persécutions, prédictions que vous avez lues, et que votre bonté me promit de détourner et de rendre inutiles? Pourquoi a-t-on forcé d'Argens de partir?b' pourquoi m'a-t-on accablé si cruellement? Voilà, je vous le jure, un problème que je ne peux résoudre.
Ce procès que j'ai eu, que j'ai gagnéc dans tous ses points, n'ai-je pas tout tenté pour ne le point avoir? On m'a forcé à le soutenir, sans quoi j'étais volé de treize mille écus; tandis que je soutiens depuis huit mois, à Paris, la dépense d'une grosse maison, et que, par le désordre où j'ai laissé mes affaires, comptant passer deux mois à vos pieds, je souffre, depuis cinq mois, sans
a Voyez t. III, p. 167.
b Voyez, dans le t. XIX, p. 37-39, les lettres du marquis d'Argens, nos 25 et 26.
c Le 8 février 1751.