<275>férentes un petit passage de la Henriade, sans pouvoir jamais retrouver la manière dont je l'avais tourné il y a un mois. Qu'est-ce que cela prouve? Que le génie n'est jamais le même, qu'on n'a jamais précisément la même pensée deux fois en sa vie, qu'il faut attendre continuellement le moment heureux. Quel chien de métier! Mais il a ses charmes, et la solitude occupée est, je crois, la vie la plus heureuse.
Mon pauvre génie tout usé baise très-humblement les pieds et les ailes du vôtre.
287. DU MÊME.
(1751.)
Sire, eh, mon Dieu! comment faites-vous donc? J'ai rapetassé cent cinquante vers, depuis huit jours, à Rome sauvée, et V. M. en a peut-être fait quatre ou cinq cents. Je n'en peux plus, et vous êtes frais; je me démène comme un possédé, et vous êtes tranquille comme un élu; j'appelle le génie, et il vous vient. Vous travaillez comme vous gouvernez, comme on dit que les dieux font mouvoir le monde, sans effort. J'ai un petit secrétaire gros comme le pouce, qui est malade pour avoir transcrit deux actes de suite. V. M. veut-elle permettre que le diligent, l'infatigable Vigne vous transcrive le reste? Je demande en grâce à V. M. de lire ma Rome. Votre gloire est intéressée à ne laisser sortir de Potsdam que des ouvrages qui soient dignes du Mars-Apollon qui consacre cette retraite à la postérité. Sire, il faut, sauf respect, que vous et moi, pardon du vous et du moi, nous ne fassions que du bon, ou que nous mourions à la peine. Je n'enverrai Rome à ma virtuose de nièce que quand Mars-Apollon sera content. Je me mets à ses pieds.