<88>Dans ce pays dont par malheur
On ne voit point de voyageur
Venir nous dire des nouvelles;
Dans ce pays où tous les jours
Les âmes lourdes et cruelles
Et des Hongrois, et des pandours,
Vont au diable au son des tambours,
Par votre ordre et pour vos querelles;
Dans ce pays dont tout chrétien,
Tout juif, tout musulman raisonne;
Dont on parle en chaire, en Sorbonne,
Sans jamais en deviner rien;
Ainsi que le Parisien,
Badaud, crédule et satirique,
Fait des romans de politique,
Parle tantôt mal, tantôt bien,
De Belle-Isle et de vous peut-être,
Et, dans son léger entretien,
Vous juge à fond sans vous connaître.
Je n'ai mis qu'un pied sur le bord du Styx; mais je suis très-fâché, Sire, du nombre des pauvres malheureux que j'ai vus passer. Les uns arrivaient de Scharding, les autres de Prague, ou d'Iglau. Ne cesserez-vous point, vous et les rois vos confrères, de ravager cette terre, que vous avez, dites-vous, tant d'envie de rendre heureuse?
Au lieu de cette horrible guerre
Dont chacun sent les contre-coups,
Que ne vous en rapportez-vous
A ce bon abbé de Saint-Pierre?
Il vous accorderait tout aussi aisément que Lycurgue partagea les terres de Sparte, et qu'on donne des portions égales aux moines. Il établirait les quinze dominations de Henri IV. Il est vrai pourtant que Henri IV n'a jamais songé à un tel projet. Les commis du duc de Sully, qui ont fait ses Mémoires, en ont parlé; mais le secrétaire d'État Villeroi, ministre des affaires étrangères, n'en parle point. Il est plaisant qu'on ait attribué à Henri IV le projet de déranger tant de trônes, quand il venait à peine de s'affermir sur le sien. En attendant, Sire, que la diète européane,