<9>Libre de soins, d'inquiétudes,
Chanter vos vers et mes plaisirs;
Mais, pour combler tous mes désirs,
Venez charmer nos solitudes.
C'est en tremblant que ma muse me dicte ce dernier vers; et je sais trop que l'amitié doit céder à l'amour.
Adieu, mon cher Voltaire; aimez-moi toujours un peu. Dès que je pourrai faire des odes et des Épîtres, vous en aurez les gants. Mais il faut avoir beaucoup de patience avec moi, et me donner le temps de me traîner lentement dans la carrière où je viens d'entrer. Ne m'oubliez pas, et soyez sûr que, après le soin de mon pays, je n'ai rien de plus à cœur que de vous convaincre de l'estime avec laquelle je suis votre, etc.
129. DE VOLTAIRE.
(Bruxelles) juin 1740.
Sire,
Hier vinrent, pour mon bonheur,
Deux bons tonneaux de Germanie;
L'un contient du vin de Hongrie,
L'autre est la panse rebondie
De monsieur votre ambassadeur.
Si les rois sont les images des dieux, et les ambassadeurs les images des rois, il s'ensuit, Sire, par le quatrième théorème de Wolff, que es dieux sont joufflus, et ont une physionomie très-agréable. Heureux ce M. de Camas, non pas tant de ce qu'il représente V. M. que de ce qu'il la reverra!
Je volai hier au soir chez cet aimable M. de Camas, envoyé et chanté par son roi; et, dans le peu qu'il m'en dit, j'appris que V. M., que j'appellerai toujours Votre Humanité, vit en homme plus que jamais, et que, après avoir fait sa charge de roi sans relâche, les trois quarts de la journée, elle jouit, le soir, des douceurs de l'amitié, qui sont si au-dessus de celles de la royauté.