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399. AU MÊME.

Potsdam, 20 février 1767.

Je suis bien aise que ce livre qu'on a eu tant de peine à trouver ici vous soit parvenu, puisque vous le souhaitiez. Ce pauvre abbé Fleury, qui en est l'auteur, a eu le chagrin de l'avoir vu mettre à l'indexa à la cour de Rome. Il faut avouer que l'histoire de l'Église est plutôt un sujet de scandale que d'édification.

L'auteur de la Préface a raison, en ce qu'il soutienta que l'ouvrage des hommes se décèle dans toute la conduite des prêtres qui altèrent cette religion (sainte en elle-mêmeb) de concile en concile, la surchargent d'articles de foi, et puis la tournent toute en pratiques extérieures, et finissent enfin par saper les mœurs avec leurs indulgences et leurs dispenses, qui ne semblent inventées que pour soulager les hommes du poids de la vertu; comme si la vertu n'était pas d'une nécessité absolue pour toute société, comme si quelque religion pouvait être tolérée, sitôt qu'elle devient contraire aux bonnes mœurs.

Il y aurait de quoi composer des volumes sur cette matière; et les petits ruisseaux que je pourrais fournir se perdraient dans les immenses réservoirs et les vastes mers de votre seigneurie de Ferney. Vous écrire sur ce sujet, ce serait porter des corneilles à Athènes.c

J'en viens à vos pauvres Génevois. Selon ce que disent les papiers publics, il paraît que votre ministère de Versailles s'est radouci sur ce sujet. Je le souhaite pour Je bien de l'humanité. Pourquoi changer les lois d'un peuple qui veut les conserver? pourquoi tracasser? Certainement il n'en reviendra pas une grande gloire à la France d'avoir pu opprimer une pauvre répu-


a L'Abrégé de l'Histoire ecclésiastique de Fleury; avec l'Avant-propos du Roi, fut brûlé à Berne peu de temps après sa publication; mais il ne fut mis à l'index que le 1er mars 1770. Voyez t. VII, p. VI et VII; voyez aussi t. XIX, p. 166.

a Voyez t. VII, p. 149-164.

b Simple en elle-même. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 378.)

c Le Roi veut dire porter des chouettes à Athènes, comme dans sa lettre à l'électrice Antonie de Saxe, du 2 mai 1765.