<125>lui est pas encore aussi familier que l'intelligence. Avec pareille recommandation, vous jugerez si elle a été bien accueillie. Elle a de la suite dans la conversation, de la liaison dans les idées, et aucune des frivolités de son sexe. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est qu'elle s'est formée elle-même, sans aucun secours. Voilà trois hivers qu'elle passe à Berlin avec les gens de lettres, en suivant ce penchant irrésistible qui l'entraîne.
Je prêche son exemple à toutes nos femmes, qui auraient bien une autre facilité que cette Polonaise à se former; mais elles ne connaissent pas la félicité de ceux qui cultivent les lettres; et parce que cette volupté n'est pas vive, elles ne la reconnaissent pas pour telle. Vous, quoique dans un âge avancé, vous leur devez encore les plus heureux moments de votre vie. Quand tous les autres plaisirs passent, celui-là reste; c'est le fidèle compagnon de tous les âges et de toutes les fortunes.
Puissiez-vous encore en jouir longtemps pour le bien de ces lettres mêmes, pour éclairer les aveugles, et pour défendre mes barbarismes! Je le souhaite de tout mon cœur. Vale.
400. AU MÊME.
Potsdam, 28 février 1767.
Je félicite l'Europe des productions dont vous l'avez enrichie pendant plus de cinquante années, et je souhaite que vous en ajoutiez encore autant que les Fontenelle, les Fleury et les Nestor en ont vécu. Avec vous finit le siècle de Louis XIV. De cette époque si féconde en grands hommes, vous êtes le dernier qui nous reste. Le dégoût des lettres, la satiété des chefs-d'œuvre que l'esprit humain a produits, un esprit de calcul, voilà le goût du temps présent.
Parmi la foule de gens d'esprit dont la France abonde, je ne trouve pas de ces esprits créateurs, de ces vrais génies qui s'an-