<126>noncent par de grandes beautés, des traits brillants, et des écarts même. On se plaît à analyser tout. Les Français se piquent à présent d'être profonds. Leurs livres semblent faits par de froids raisonneurs; et ces grâces qui leur étaient si naturelles, ils les négligent.
Un des meilleurs ouvrages que j'aie lus de longtemps est ce factum pour les Calas, fait par un avocata dont le nom ne me revient pas. Ce factum est plein de traits de véritable éloquence, et je crois l'auteur digne de marcher sur les traces de Bossuet, etc., non comme théologien, mais comme orateur.
Vous êtes environné d'orateurs qui haranguent à coups de baïonnettes et de cartouches; c'est un voisinage désagréable pour un philosophe qui vit en retraite, plus encore pour les Génevois.
Cela me rappelle le conte du Suisse qui mangeait une omelette au lard un jour maigre, et qui, entendant tonner, s'écria : Grand Dieu! voilà bien du bruit pour une omelette au lard.b Les Génevois pourraient faire cette exclamation en s'adressant à Louis XV. La fin de ce blocus ne tournera pas à l'avantage du peuple. Ce qu'ils pourraient faire de plus judicieux serait de céder aux conjonctures, et de s'accommoder. Si l'obstination et l'animosité les en empêchent, leur dernière ressource est l'asile que je leur prépare, et qui se trouve dans un lieu que vous jugez très-bien qui leur sera convenable.
Je ne sais quel est le jeune hommec dont vous me parlez. Je m'informerai s'il se trouve à Wésel quelqu'un de ce nom. En cas qu'il y soit, votre recommandation ne lui sera pas inutile.
Voici de suite trois jugements bien honteux pour les parlements de France. Les Calas, les Sirven, et La Barre, devraient ouvrir les yeux au gouvernement, et le porter à la réforme des procédures criminelles; mais on ne corrige les abus que quand ils sont parvenus à leur comble. Quand ces cours de justice auront fait rouer quelque duc et pair par distraction, les grandes
a Élie de Beaumont, avocat à Paris, mort le 10 janvier 1786. Il est célèbre par son Mémoire pour les Calas, 1762, in-4.
b Voyez t. XII, p. 256, et t. XIX, p. 385.
c Dominique de Morival, cadet au régiment d'infanterie du général d'Eichmann, no 48, à Wésel; il fut nommé officier le 27 avril 1767.