<127>maisons crieront, les courtisans mèneront grand bruit, et les calamités publiques parviendront au trône.
Pendant la guerre, il y avait une contagion à Breslau;a on enterrait cent vingt personnes par jour; une comtesse dit : « Dieu merci, la grande noblesse est épargnée; ce n'est que le peuple qui meurt. » Voilà l'image de ce que pensent les gens en place, qui se croient pétris de molécules plus précieuses que ce qui fait la composition du peuple qu'ils oppriment. Cela a été ainsi presque de tout temps. L'allure des grandes monarchies est la même. Il n'y a guère que ceux qui ont souffert l'oppression qui la connaissent et la détestent. Ces enfants de la fortune, qu'elle a engourdis dans la prospérité, pensent que les maux du peuple sont exagération, que des injustices sont des méprises; et, pourvu que le premier ressort aille, il importe peu du reste.
Je souhaite, puisque la destinée du monde est d'être mené ainsi, que la guerre s'écarte de votre habitation, et que vous jouissiez paisiblement dans votre retraite d'un repos qui vous est dû, sous les ombrages des lauriers d'Apollon; je souhaite encore que, dans cette douce retraite, vous ayez autant de plaisir que vos ouvrages en ont donné à vos lecteurs. A moins d'être au troisième ciel,b vous ne sauriez être plus heureux.
401. DE VOLTAIRE.
(Ferney) 3 mars 1767.
Sire, j'entends très-bien l'aventure des Deux Chiens, et je l'entends d'autant mieux, que je suis un peu mordu. Mes petites possessions touchent aux portes de Genève. Tout commerce est interrompu par cette ridicule guerre; elle n'ensanglante pas encore la terre, mais elle la ruine. Vos chiens répondent très-pertinemment à nos héros français et bernois. Il est certain que
a Voyez t. IV, p. 206, et t. XIX, p. 341.
b Au premier ciel. (Variante des Œuvres posthumes, t. X. p. 42.)