<137>tranquillement un problème; et soyez persuadé que le roi Hiéron s'intéressait moins à la conservation de son géomètre que moi à celle du grand homme que le cordon des troupes françaises entoure.

406. AU MÊME.

Potsdam, 31 juillet 1767.

J'ai cru avec le public que vous aviez changé de domicile. Des lettres de Paris nous assuraient que vous alliez vous établir à Lyon, et j'attribuais votre long silence à votre déménagement; la cause que vous en alléguez est bien plus fâcheuse.

Le poëme sur les Génevoisa m'était parvenu par Thieriot. Je n'en ai que deux chants; vous me feriez plaisir de m'envoyer l'ouvrage entier. J'admirais, en le lisant, ce feu d'imagination que les frimas de la Suisse et le froid des ans n'ont pu éteindre; et comme cet ouvrage est écrit avec autant de gaîté que de chaleur, je vous croyais plus vivant que jamais. Enfin vous êtes échappé de ce nouveau danger, et vous allez sans doute nous régaler de quelque poëme sur le Styx, sur Caron, sur Cerbère, et sur tous ces objets que vous avez vus de si près. Vous nous devez la relation de ce voyage; vous vous trouverez à votre aise en la faisant, instruit par l'exemple de tant de voyageurs qui ne se sont pas gênés en nous racontant ce qu'ils n'ont jamais vu dans des pays réels. Votre champ vous fournit la mythologie, la théologie et la métaphysique. Quelle carrière pour l'imagination! Mais revenons à ce monde-ci.

On y vieillit prodigieusement, mon cher Voltaire; tout a bien changé depuis le temps passé que vous vous rappelez. Mon estomac, qui ne digère presque plus, m'a contraint de renoncer aux soupers. Je lis le soir, ou je fais conversation. Mes cheveux sont blanchis, mes dents s'en vont, mes jambes sont abîmées par la goutte. Je végète encore, et je m'aperçois que le temps fixe une


a La Guerre civile de Genève. Œuvres de Voltaire, t. XII, p. 241-303.