<139>que je puisse vous lire, vous admirer et faire des vœux pour le Patriarche de Ferney!
407. AU MÊME.a
(Décembre 1767.)
Bon jour et bon an au Patriarche de Ferney, qui ne m'envoie ni la prose ni les vers qu'il m'a promis depuis six mois. Il faut que vous autres patriarches, vous ayez des usages et des mœurs en tout différents des profanes : avec des bâtons marquetés vous tachetez des brebis et trompez des beaux-pères; vos femmes sont tantôt vos sœurs, tantôt vos femmes,b selon que les circonstances le demandent; vous promettez vos ouvrages, et ne les envoyez point. Je conclus de tout cela qu'il ne fait pas bon se fier à vous autres, tout grands saints que vous êtes. Et qui vous empêche de donner signe de vie? Le cordon qui entourait Genève et Ferney est levé, vous n'êtes plus bloqué par les troupes françaises, et l'on écrit de Paris que vous êtes le protégé de Choiseul. Que de raisons pour écrire! Sera-t-il dit que je recevrai clandestinement vos ouvrages, et que je ne les tirerai plus de source? Je vous avertis que j'ai imaginé le moyen de me faire payer; je vous bombarderai tant et si longtemps de mes pièces, que, pour vous préserver de leur atteinte, vous m'enverrez des vôtres. Ceci mérite quelques réflexions. Vous vous exposez plus que vous ne le pensez. Souvenez-vous combien le Dictionnaire de Trévouxc fut fatal au père Berthier;d et, si mes pièces ont la même vertu,
a Cette lettre est tirée des Œuvres posthumes, t. IX, p. 366-368. Les éditeurs de Berlin disent dans une note, p. 366, qu'elle ne fut pas envoyée au destinataire.
b Voyez l'article Abraham, dans le Dictionnaire philosophique. Œuvres de Voltaire, édition Beuchot, t. XXVI, p. 48.
c Le Roi veut dire le Journal de Trévoux.
d Voyez la Relation de la maladie et de la mort du jésuite Berthier (1759); Œuvres de Voltaire, t. XL, p. 12.